« développer la créativité, c’est d’abord encourager »
Chouette interview dans le cadre de « Le Monde Festival » sur la question : peut-on apprendre à devenir créatif ?
Proposition de prise de notes (cliquer sur l’image pour l’agrandir)
J’ai l’impression que la créativité commence à se brider dès l’adolescence. Au-delà de l’individu lui-même, il ne faut pas oublier que le contexte dans lequel il évolue, peut le brider (école, entreprise, société contemporaine). L’enjeu de demain consiste en la construction d’une société apprenante et créative. Alors, comment débrider cette créativité ?
La conférence ci-dessous apporte quelques éléments de réponses, mais le chemin reste encore long et complexe. Inter__, plossing, élément ou talent personnel, confiance en soi, richesse du collectif, la contrainte créative, le va-et-vient entre technique et créativité…
Chemins possibles
Inter___ : interdisciplinaire, interaction, intersubjectivité, intergénérationnel, interview, international, intervenant, interpréter…
plossing : le lien avec les exercices d’improvisation en théâtre me séduit dans ce travail. En effet, lors d’un exercice d’improvisation, nous n’avons pas le droit de refuser une situation qui se présente. Cela donne lieu à des situations parfois absurdes, mais nous amène à repenser le cadre de l’improvisation en direct. Ce cadre permet parfois de réinstaller le jeu dans de nouvelles conceptions qui ne contredisent pas le projet initial.
Élément : Le livre de Sir Ken Robinson est vraiment très intéressant. Je vous invite d’ailleurs à le lire, même si l’accumulation d’anecdotes est parfois un peu longue. Celui-ci explique que chacun possède un ou plusieurs élément(s) — talents qui ne demandent qu’à être exploré(s). Il est parfois compliqué de trouver son propre élément, alors, comment aider l’enfant à l’identifier, à l’affiner et à le développer. Nous pourrions imaginer une séquence qui se nommerait : et toi, quel est ton élément ? Reste à définir le contenu maintenant… à creuser.
Confiance en soi : il s’agit là d’un élément important. Comment transmettre plus de confiance à des enfants parfois cassés, blessés par la vie ? La pratique des arts représente en effet une belle opportunité pour acquérir cette confiance ou le « oser faire ». Le regard de l’autre est important, mais il est aussi fondamental de s’en affranchir pour pouvoir s’en libérer. On rejoint ici un paradoxe cher à l’adolescent : je me construis dans une singularité voulue, mais je souhaite être réassuré par mes pairs dans mes décisions. En fait, les enseignements artistiques sont plus une série d’opportunités pour prendre confiance en soi, mais ils ne représentent pas directement un moyen d’entrainement à la prise de confiance. L’entrainement viendra plus de l’individualité de l’enfant que de la volonté de l’enseignant. La seule chose que l’enseignant peut faire est de mettre en valeur les progrès de l’élève en lui laissant le temps d’atteindre son chef-d’œuvre.
Richesse du collectif : Que dire ? Comment ne pas être convaincu ? Sauf que le paradoxe est que la société actuelle est dans l’aboutissement de l’individualisme. L’enjeu consiste donc à exp (l) oser ce paradoxe, en avoir conscience. Le jeu de l’inter__ ne peut fonctionner que si chacun trouve sa propre place au sein d’un collectif. L’apprentissage du travail en coopération semble donc être l’une de clé pour « faire société » au XXIe Siècle.
La contrainte créative : Pour que la contrainte soit créative, il est important de faire attention à l’énoncé. Celui-ci doit prendre en compte le niveau de l’élève, certes, mais celui-ci ne doit pas être trop contraignant. Un énoncé trop cadré entrainera un déficit de créativité et un énoncé trop libre en fera de même. Il s’agit là de trouver un équilibre périlleux qui permettra l’épanouissement d’un esprit créatif.
Le va-et-vient entre technique et créativité : Comment dépasser le frein technique ? faut-il vraiment éviter la technique ? Comment motiver à l’apprentissage de la technique ? Faut-il créer le manque pour avoir besoin d’apprendre ?
2 réactions au sujet de « « développer la créativité, c’est d’abord encourager » »
Merci pour ce commentaire brillant. Il est vrai que la notion de « métasystémie » n’a pas été abordée pendant cette conférence. J’ai l’impression que cet « au-delà », c’est-à-dire la manipulation de quelque chose qui nous échappe, est un super terrain de création. Un petit schéma pour illustrer. Ce qui me plait dans ton commentaire est que la zone inter ne se définit pas de la même manière entre deux individus; et que la zone « méta » invite à manipuler l’inconnu. Toutefois notons qu’un individu peut avoir conscience de tout un métasystème. Ne serait-il pas alors dans un système maitrisé par lui-même ? L’étrangeté que tu explores si bien dans tes cours, évoque un métasystème qui se situe au-delà de la maitrise et donc dans un niveau de création menant l’individu à se surpasser. Le métaworld de Rémi m’étonnera toujours 😀
Je suis entièrement d’accord avec les « tensions créatives » que tu évoques dans ton questionnement (définition, sociétal, psychologique et émotionnel). Je vois la création comme étant tout d’abord un dépassement de soi (je me trompe peut-être), dépassement qui invite à explorer un inconnu pour soi. Transposé à un groupe ou à une culture, il faudrait que cette création dépasse le cadre commun pour trouver sa légitimité. En cela, ce cadre commun dépasse ou limite l’individu. Tu parles très bien de l’instabilité de ce cadre dans ton questionnement. Il faudrait admettre que ce cadre en est un sans en être un et que l’instabilité est sûrement la meilleure de tes réponses.
Penser la créativité est un enjeu effectivement important aujourd’hui, enfin cela me semble aussi comme toi nécessaire. J’ajouterais à ton constat de grande qualité (comme tout le reste de ton blog dont je suis fan) une considération des métasystèmes, c’est à dire toutes les systémiques que nous manipulons sans en avoir conscience (faire fonctionner un smartphone, envoyer un selfie en MMS, consulter le cours de la bourse n’importe où etc.). Et aussi une définition de la créativité : elle évolue suivant les époques et les analyses de son mécanisme. Est-ce un assemblage inédit d’éléments anciens ? Est-ce une invention pratique à un moment donné ? Est-ce une compréhension par une majorité faisant autorité d’un usage différent d’un objet ? Est-ce tout cela à la fois ou par parties ? Et aussi : quelle est la considération par la société du statut d’inventeur ? Quels encouragements à se dépasser l’école fournit-elle sachant qu’on est dans la plupart des cas dans l’attente d’un résultat prévu et dans la désolation de l’erreur par une évaluation graduée (compétences ou notes d’ailleurs) ? La projection de soi peut-elle se passer du constat de l’échec ou du sentiment de frustration (ou tristesse ou colère etc.) ? Ce ne sont que quelques questions auxquelles je n’ai pas de réponses toutes faites mais cela m’intrigue. Bravo pour ton site mon cher Damien !